Victime, bourreau, sauveur, comment sortir du triangle infernal de Karpman?
Vous ressortez épuisé d’un échange avec un ami, vous avez l’impression de vous être fait avoir, vous vous embrouillez toujours pour le même sujet avec cette personne, vous avez l’impression d’avoir abouti à l’opposé de ce que vous vouliez dans cette relation…
Connaissez-vous le « triangle dramatique » ou le triangle de Karpman ? Ce concept a été développé par Stephen Karpman, un psychologue américain des années 70. Il a identifié trois grands rôles qui se détachent dans les jeux psychologiques : la victime, le bourreau et le sauveur. Etre dans une de ces trois positions entraîne des relations toxiques, difficiles et épuisantes. Le problème c’est que nous n’avons souvent pas conscience d’être dans ce jeu psychologique. Par habitude, nous jouons ces rôles et nous en changeons aussi régulièrement. En effet, nous avons tous un rôle « préféré » mais nous pouvons passer de l’un à l’autre au cours d’une même conversation.
Il n’y a pas de « meilleure » position. Ces trois rôles bloquent l’évolution de la relation et maintiennent les interlocuteurs dans la peur et le manque de confiance et d’estime de soi. Alimenter ces jeux psychologiques est source de stress et nous pompe beaucoup d’énergie.
Pour en sortir, il est essentiel de d’abord prendre conscience de comment se déroulent nos relations. Ensuite demandons-nous quel rôle nous avons le plus l’habitude de jouer. Pour enfin reprendre le pouvoir et la responsabilité de notre vie.
Le triangle de Karpman en détails
On appelle le triangle de Karpman, le triangle dramatique parce que chaque personne qui y interagit attend quelque chose de la part de l’autre et entraîne celui-ci à jouer un rôle complémentaire. Dans chacun des trois positionnements, la personne trouve une réponse à ses propres attentes.
Par exemple, la victime invite l’autre à se positionner en sauveur ou en bourreau par des petites phrases de ce type : « Pourquoi ça n’arrive toujours qu’à moi ? », « A cause de toi… » etc. Il est important de se rappeler qu’une victime ne peut exister qu’en face d’un sauveur ou d’un bourreau et vice et versa.
Identifier le rôle que l’on a tendance à jouer n’est pas chose facile. Ce n’est jamais évident de se regarder en face, mais c’est important de le faire pour faire évoluer les choses. En effectuant ce travail, j’ai pu identifier que j’adoptais ces trois rôles selon les situations et les relations. Maintenant je prends plus facilement conscience d’où je me situe et je peux corriger rapidement. Cela m’arrive encore de le faire, surtout dans les moments où je suis émotionnellement submergée. Modifier un comportement ancré depuis plusieurs années ne se fait pas en quelques jours. Mais tout en m’accordant beaucoup de bienveillance, je peux pas à pas me positionner différemment.
Voici une description de chacun des trois rôles pour vous permettre de mieux vous situer.
- La victime
Attention, ici je parle bien du rôle relationnel et non pas du statut de victime (une personne qui a été victime d’une agression, d’un abus…). La victime se sent inférieure, elle pense ne pas être capable de faire face à certaines situations. Elle se méconnait et manque de confiance en elle. Elle se plaint tout le temps, c’est sa façon de chercher du réconfort, d’attirer de la sympathie, d’être reconnue mais surtout de ne rien faire. Elle remet sa responsabilité et son pouvoir à l’autre. Pour justifier sa passivité, elle va se présenter comme incapable de comprendre ou d’agir et va donc se rabaisser.
- Le bourreau
Le bourreau est sévère, il attaque, il critique. Il donne des ordres et provoque la rancune. Il considère la victime comme inférieure. Il libère son agressivité, sa frustration sur une victime en la dévalorisant et en pointant du doigt ses faiblesses. Ce qui vient confirmer l’opinion que la victime a d’elle-même c’est-à-dire inférieure, passive et incapable.
Le bourreau peut être autre chose qu’une personne, par exemple, une maladie, un handicap, une addiction (alcoolisme), c’est l’élément qui contribue à ce que la victime se place dans cette position.
- Le sauveur
Le sauveur vole toujours au secours des autres même quand on ne lui demande rien. Il est protecteur et il considère aussi la victime comme inférieure et lui propose donc son aide, à partir de sa position supérieure. Il crée un lien de dépendance avec la victime et à tendance à infantiliser, ce qui vient conforter la victime dans son incapacité à faire face. L’aide qu’il apporte à la victime n’est qu’un moyen de nourrir son ego et de combler son besoin de reconnaissance, d’amour et de sécurité affective.
Il est bon de préciser que dans notre histoire, ces rôles ont à un moment donné été une réponse adaptée à une situation réelle et que ce jeu dramatique n’en est que la reproduction face à une peur et un manque de confiance en soi.
Comment sortir de ce triangle infernal de Karpman ?
Voici quelques étapes essentielles pour sortir de ce jeu psychologique.
- Prendre conscience :
Prendre conscience du rôle que l’on joue à tel ou tel moment dans la relation. Si par exemple, nous nous positionnons en tant que victime, nous incitons l’autre à se positionner en tant que bourreau ou sauveur et inversement. Eh oui, une victime ne peut pas exister sans sauveur ! Il est aussi nécessaire de repérer le fonctionnement relationnel de nos interlocuteurs afin de ne pas rentrer dans le triangle dramatique.
- Mesurer l’aspect toxique de cette façon de relationner :
Bien prendre la mesure des aspects négatifs de ce type de relation permet de ne pas minimiser les conséquences et les impacts que peut avoir ce fonctionnement sur notre niveau de stress et d’énergie. En effet, ce triangle dramatique nous donne une vision erronée de la réalité, nous maintient dans un état de dépendance et ce, peu importe le rôle que nous jouons, nous épuise et nous fait perdre notre temps.
- Prendre du recul :
Revoir une situation, une relation avec le recul nécessaire et identifier clairement si ce jeu psychologique de déroule ou pas. Identifier nos propres besoins, nos manques et donc le rôle que nous jouons. Considérer la réalité avec une vision neutre et adulte.
- Transformer le triangle :
Le coach américain David Emerald propose de passer du triangle dramatique au triangle dynamique. Il propose le concept de Dynamique de l’Empowerment qu’il appelle TED (The Empowerment Dynamic). Ce concept permet de reprendre la responsabilité de sa vie, de retrouver son pouvoir et de devenir créateur de sa vie.
Dans le triangle de Karpman, le rôle central est joué par la victime, qui se sent démunie, délaissée et sans moyen. Dans le triangle dynamique, la victime devient le créateur, le bourreau devient le challenger et le sauveur le coach.
Le créateur identifie le résultat qu’il veut atteindre et avance pas à pas, il crée son chemin.
Il est soutenu par le rôle du challenger qui le pousse au défi, l’aide à se focaliser sur son objectif, à garder le cap et l’aide à prendre conscience de sa progression et de ses résultats. Il le stimule tout en le guidant par une démarche constructive.
Le coach pose des questions, parfois confrontantes, aide à clarifier les besoins et fait émerger les ressources de la personne. Il amène la personne à trouver sa propre solution car elle n’est plus victime mais bien créatrice de sa vie. C’est ainsi que le créateur fait naître son pouvoir !
Je n’arrive pas à identifier où je me situe?
Si vous vous sentez un peu perdu et n’arrivez pas à identifier le rôle que vous jouez dans telle ou telle relation, voici une série de questions pour vous aider à y voir plus clair :
La victime : Dans quelles situations j’ai tendance à me plaindre le plus ? Quand est-ce que je me positionne en victime ? Dans quelles relations je me sens impuissant ? Est-ce que j’ai tendance à accuser les autres ? Est-ce que je renonce facilement et me crois incapable de comprendre ou d’agir ?
Le bourreau : Quand est-ce que j’ai tendance à critiquer ? Est-ce que je suis souvent dans le jugement ? Dans quelles situations je peux me montrer agacé et menaçant ? Quelles discussions, relations ont tendance à me mettre rapidement en colère ?
Le sauveur : Avec quel ami j’ai tendance à materner, à infantiliser ? Dans quelles situations je ressens facilement de la pitié ? Quand est-ce que j’aurais tendance à faire passer les problèmes et préoccupations des autres avant les miens, dans un but de fuir mes propres problèmes ?
Rappelez-vous que de refuser de rentrer dans ce triangle dramatique c’est aussi se protéger de certains manipulateurs ou pervers narcissiques conscients de ce qu’ils font et qui profitent de cette situation.
N’hésitez pas à m’indiquer en commentaire dans quel rôle vous vous reconnaissez le plus souvent ? Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager ! 😃
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Je trouve cette page magnifiquement claire et précise. Merci Gaëlle !
Continue de publier de tels articles et j’adore aussi tes vidéos.
Merci beaucoup Nathalie pour ton retour.