Bien vivre son hypersensibilité – Interview Femme Mag Juin 2017
Il y a quelques semaines, j’ai été interviewée par le magazine Femme Mag pour parler de l’hypersensibilité. Après deux heures d’échanges passionnés, un bel article a vu le jour sur comment bien vivre son hypersensibilité !
BIEN VIVRE AVEC SON HYPERSENSIBILITE
Les hypersensibles représenteraient 15 à 20 % de la population mondiale selon les études de la psychologue américaine Elaine Aron. Cette sensibilité exacerbée se manifeste de différentes façons et possède une double facette : à fleur de peau, un hypersensible peut être susceptible, facilement irritable, profondément déstabilisé par la critique. A contrario, il peut faire preuve de beaucoup d’enthousiasme, de créativité et d’empathie. Comment apprivoiser son hypersensibilité pour en faire une alliée et bien vivre avec ? On vous donne quelques pistes… Aurélie Tanous
Hypersensibilité. Le mot est posé. Sur le moment, Marie, 30 ans, ne réalise pas tout ce que cela implique. Hypersensibilité oui, mais dans quel sens ? Comment cela se manifeste-t-il précisément ? Un trop-plein d’émotions ? De sensibilité ? “Je me suis toujours sentie en décalage avec les autres, sans vraiment pouvoir expliquer de quelle manière, confie la jeune femme. Un rien pouvait me bouleverser. Je me sentais heurtée par beaucoup de choses ce qui faisait dire aux autres que j’étais susceptible”. L’idée fait son chemin, Marie entreprend de se documenter sur le sujet. Au cours de ses recherches, elle tombe sur l’ouvrage de Christel Petitcollin, Je pense mieux. “Sur la couverture du livre, on pouvait lire “Vivre heureux avec un cerveau bouillonnant, c’est possible !”. Je me suis dit que ce bouquin était fait pour moi”. Car l’une des caractéristiques principales de l’hypersensibilité est justement ce cerveau sans cesse en ébullition, ces pensées qui fusent, rebondissent, font naître d’autres pensées… Ce cerveau qui anticipe, analyse, interprète, extrapole le moindre détail. “J’avais conscience que je me posais beaucoup trop de questions, mais c’était plus fort que moi”. La lecture de ce livre est une révélation pour cette trentenaire. Au fil des pages, elle a l’impression de se voir, de se découvrir. Ses réactions, ses ressentis, sa manière d’être… tout prend enfin du sens. “C’était comme si on m’avait assise sur une chaise et qu’on m’avait décrite”. Si Marie a vécu cette découverte sur elle-même de manière positive, ce n’est pas le cas de tous les hypersensibles. “Cela remet en cause toute leur vie d’avant, qui va à l’encontre de leur hypersensibilité, indique Gaëlle Glévarec, coach de vie pour les hypersensibles. Petits, on n’a cessé de leur répéter : “arrête de pleurer”, “tu es trop sensible”…” Dans l’imaginaire collectif, le fait d’être sensible est perçu comme quelque chose de négatif. Bien souvent, la sensibilité est prise pour de la fragilité, de la vulnérabilité et est, de ce fait, affiliée aux femmes. C’est donc d’autant plus difficile pour un homme d’accepter son hypersensibilité qui vient directement porter atteinte à sa virilité. Il n’est pas seulement sensible, il est hypersensible. Ajoutée à cela, une éducation stricte et cela peut donner des hypersensibles refoulés. “Notre société n’encourage pas la sensibilité. De ce fait, les hypersensibles peuvent se sentir inadaptés au monde qui les entoure parce que, eux, ressentent les émotions de manière forte, expliquait la thérapeute Cécile Guéret dans l’émission de France Inter Grand bien vous fasse du 17 avril dernier consacrée à l’hypersensibilité. Ils ressentent le monde de manière très forte comme si ça les égratignait. Autant le positif que le négatif […] ils le vivent très fort à l’intérieur”.
Perception non filtrée
L’hypersensibilité est un mode de fonctionnement, un tempérament. Les hypersensibles appréhendent le monde non pas à partir de leur raison, comme c’est le cas pour la plupart d’entre nous, mais à partir de leurs sens, de leurs émotions. Ils ont une pensée en arborescence en opposition à la pensée normo-pensante, linéaire et séquentielle. On parle alors d’intelligence émotionnelle. “Les hypersensibles ont une perception du monde, des autres, d’eux-mêmes qui n’est pas filtrée, explique Gaëlle Glévarec. Leur système nerveux est donc plus facilement excitable par les stimuli extérieurs comme la lumière, le bruit, la foule ou même un vêtement trop serré”. Leur hyperréactivité à l’excès de stimulation va engendrer chez eux un sentiment d’agression. “Comme ça devient difficile à gérer à cause de tous ces stimuli, ils se sentent vite agressés et ont souvent tendance à déconnecter avec les ressentis du corps”, poursuit Gaëlle Glévarec. La moindre petite chose étant vécue de manière décuplée, c’est ce qui explique que les hypersensibles peuvent avoir besoin de s’isoler pour échapper à ce trop-plein d’émotions. “Quand je suis trop sollicitée, que je sens que je m’agace, je m’isole, confie Marie. Je reste seule, je ne réponds pas au téléphone. Je pense que mes amis commencent à me cerner même si je ne leur ai pas encore parlé de mon hypersensibilité”. Ainsi, l’hypersensibilité est souvent associée à l’introversion. “Les hypersensibles sont souvent perçus comme des personnes introverties, non pas qu’elles n’aiment pas les contacts sociaux, mais au-delà d’un certain seuil de sollicitation, ça les épuise”, explique le psychologue Christophe André. Ayant les défauts de leurs qualités, les hypersensibles font aussi preuve de beaucoup de créativité, d’empathie, de délicatesse et de finesse dans leur intuition. “On retrouve ce côté intense dans le bon, sourit Gaëlle Glévarec. L’hypersensibilité est quelque chose de positif, c’est un énorme potentiel. Il faut juste en prendre conscience, la comprendre et l’apprivoiser”.
Apprendre à s’écouter
Car l’hypersensibilité n’est pas une maladie dont on guérit, c’est quelque chose qui fait partie intégrante de la personne hypersensible. “Désormais, vous avez une nouvelle information qui est votre hypersensibilité. La question est de savoir comment vous allez l’intégrer dans votre quotidien, pose Gaëlle Glévarec, elle-même hypersensible. C’est en ce sens qu’elle travaille avec les hypersensibles qu’elle reçoit. “Pour moi, la clé réside dans l’amour de soi. L’hypersensible a passé sa vie à rejeter ce qu’il est sans le savoir, à ne pas s’écouter, à ne pas répondre à ses besoins dans le but de plaire aux autres. Son amour pour lui-même est tellement bas, voire quasi inexistant, que du coup, il n’a pas l’habitude de se faire confiance, de faire les bons choix pour son bien-être”. La coach va accompagner les personnes dans la découverte de leur hypersensibilité pour les aider à la comprendre et à mettre en place un mode de fonctionnement qui va correspondre à leurs nouveaux besoins. La première étape vers l’amour de soi ? Écouter ses besoins et surtout s’autoriser à y répondre. “Quand mes amies me proposaient de faire certaines choses avec elles, qui ne correspondaient pas forcément à ce dont j’avais envie sur le moment, comme les sorties en boîte, je me forçais, se souvient Marie. Je me disais “tu es jeune, c’est maintenant qu’il faut profiter”, alors que j’ai toujours détesté la foule et le bruit”. “Les questions à se poser désormais sont : “Est-ce que j’ai envie d’être là ?”, “Est-ce que ça va me faire du bien ?”, “Est-ce que ça contribue à mon bien-être ?”, signale Gaëlle Glévarec. Si on apprend à répondre à ses besoins, à s’aimer comme il faut et à se respecter, on va pouvoir écouter son corps et ainsi se reconnecter avec soi-même”. La méditation peut être une solution. Elle permet de se poser, de calmer le mental en se concentrant sur la respiration, de prendre conscience de toutes les pensées que l’on peut avoir et de “se remettre dans son corps”. “ça peut aussi être du yoga, du tai chi, peu importe, à chacun de trouver ce qui lui convient. Et si par exemple la méditation ne fonctionne pas, vous pouvez essayer des exercices comme faire la vaisselle sans faire de bruit. Vous verrez que le fait de vous concentrer pour ne pas faire de bruit va empêcher vos pensées de partir dans tous les sens”. L’écriture d’un journal intime qui va permettre de poser ses émotions, de leur donner le droit d’exister, de les explorer pour mieux les comprendre, mais aussi les activités créatives sont également recommandés. Trop souvent, les hypersensibles subissent leur sensibilité au lieu de s’en faire une alliée. Rester eux-mêmes, ne pas se renier, utiliser leur hypersensibilité pour développer leur intelligence, là réside le défi. Dans son livre Je pense mieux, Christel Petitcollin encourage à bichonner ses sens. Si vous êtes particulièrement sensible au bruit par exemple, l’auteur invite “à vérifier quels sons vous irritent et quels sons vous ravissent {…} Ayez toujours des bouchons d’oreilles dans la poche et mettez-les sans complexe à chaque fois que vous en ressentez le besoin, au cinéma et surtout en boîte de nuit”. De même, elle incite à dégonfler l’importance et à écouter ce qui est vraiment dit : “Savoir donner l’importance JUSTE aux choses (ni trop ni pas assez), c’est le travail de toute une vie”.
Bonne lecture 😊.
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